the man who sold the world.

I. maybe in the next life we'll meet each other for the first time, believing in everything but the harm we're capable of. ça tonne chez les crowders, ça parle fort. les personnalités clashent, s'aiment et se détestent à la fois. les crowders sont bruyants, portent en eux la brutalité des espoirs brisés, de ceux qui ont travaillé la terre, ce sont abîmés les doigts et les ongles à la recherche d'un or absent, qui se sont cassés le dos pour rien, pour un rêve creux, qui ont passé dans le sang des leurs l'amertume de la défaite. le sol est aride, avide, à l'est d'eden, et les crowders sont résignés, les dents serrées, le poing facile, le coude levé. il fronce le nez face à l'héritage du labeur et des mains calleuses, bass, il s'dit mieux qu'ça, s'croit mieux que les siens auxquels il ne ressemble pas, auxquels il ressemble trop. II. the truest ruins are not written down. invente des histoires au chevet de sa mère, conte les évènements de la vie qui continue sans elle. il a le tempérament des rêveurs, le gosse, tient ça d'un ancêtre qui a traversé mers et déserts pour finalement s'échouer dans une vallée stérile. il reste auprès de la cancéreuse, de celle qui s'éteint un peu plus tous les jours, elle n'a qu'à peine quelques souffles et sourires à donner au garçon dont elle caresse les épais cheveux de jais. c'était une rêveuse aussi, sa mère, elle aussi voulait quitter la ville avant de se faire prendre par les chaînes d'un amour adolescent, qu'elle pense qu'un crowder puisse lui donner assez pour que nowhere suffise à la place du monde. c'est à peine s'il ose fermer ses yeux fardés de larmes, l'gamin, à peine s'il ose gâcher un moment auprès d'elle. III. if, relative to the history of our planet, an individual life is so short, a blink, as they say, then to be gorgeous, even from the day you're born to the day you die, is to be gorgeous only briefly. c'est con, comme histoire. c'est aussi vieux qu'le monde. c'est le même roman, encore et encore, à l'écrit, à l'écran, à la radio. c'est l'amour raté, l'amour manqué d'un rien. c'est sa meilleure amie dans les bras de son frère, c'est sa meilleure amie qu'il réalise aimer trop tard. c'est lui l'gamin discret et son frangin le quaterback. c'est une histoire qui se répète tous les ans avec des acteurs différents. c'est lui qui se tait, qui n'ose pas, parce que dans la vraie vie, les grands gestes ne servent à rien, la fille ne choisit pas le petit frère qui rêve d'ailleurs. sauf que dans la vraie vie, les destinées sont parsemées d'actes manqués, que winona n'attend qu'un signe et que bass n'a jamais eu l'courage de prononcer les mots qu'il fallait. alors il la regarde qui se laisse passer la bague au doigt, alors elle le regarde qui s'en va. IV. he acted like the rules of nature did not apply to him. perhaps they didn't. dix-huit ans à peine, l'université de las vegas devient le fol espoir de sa fuite en avant. nowhere est derrière lui. nowhere n'est plus chevillée à son coeur et à son corps, il peut se prétendre d'ailleurs, prétendre que les marques sur ses mains ne content pas la somme de ses p'tits boulots, le récit d'aventures aux alentours à la fois infimes et démesurés de ce qu'il ne veut plus appeler chez lui. il veut se construire une nouvelle histoire, s'écrire différemment, ne plus être fait de poussière et de songes rongés par la fatalisme. il échoue pourtant, fait face à la réalité hors de son minuscule coin du monde. il n'a ni la patience ni la dextérité de poursuivre les études, ne supporte pas les professeurs qui taisent ses questions, réfutent ses arguments parce qu'ils sont contraires à leur façon de penser. il n'aime pas avoir tort, bass, et méprise ceux qui suivent le mouvement de la foule. il ne se présente jamais aux examens, s'égare sous les néons, observe et envie. il veut s'inventer autrement, et s'installe à sa première table de poker. V. don't look down, they know you're lying; and up they know you don't know the truth. be specific but no memorable. be funny, but don't make him laugh. he's got to like you, then forget you the moment you've left his side. talent aiguisé par le mentor qui l'a repéré dans les salles de l'envers de la ville, celles derrière les bars, derrière les danseuses, sous la lumière tamisée d'une ampoule fatiguée. l'gamin à l'oeil vif, à la gueule d'ange, à qui on donnerait l'bon dieu sans confession. lou singer le prend sous son aile, transforme le talent brut en brio, en fait un virtuose du vol, du jeu et du mensonge. bass devient autre, enfin, complètement, se glisse de peau en peau, de victime en victime, vide leurs poches et puis s'en va. sous l'ombre des géants, il devient n'importe qui, promet n'importe quoi. lou devient mentor, devient un père, dispense son expérience en leçons pour celui qui devient son complice, son successeur. l'gosse de nulle part est de partout et d'ailleurs, use et abuse du charme qu'il se découvre aux balbutiements de l'âge adulte, multiplie les alias, collectionne masques comme conquêtes, alliés comme rivaux. VI. when can i say your name and have it mean only your name and not what you left behind ? winona. il ne sait pas trop ce qu'elle est venue faire à vegas. il n'sait pas ce qu'elle attend de lui. - you did not come. réunion de classe, quinze ans plus tard. l'a-t-elle attendu ? a-t-elle espéré qu'il vienne ? quinze ans de rares conversations, d'appels à la va-vite. à leur mentir, à leur dire que ses études sont terminées, qu'il travaille dans la sécurité des casinos, qu'il n'a pas l'temps, qu'il les verra pour thanksgiving, il travaille trop, il s'excuse, il viendra à noël s'il peut se libérer. d'excuses en années, il s'est tenu à sa promesse de ne jamais revoir nowhere. - bass, why didn't you come home ? parce qu'il n'y a rien pour lui là-bas, parce qu'il est dédaigneux et arrogant et qu'il n'a plus été bass crowder depuis plus de dix ans. mais il ne peut qu'être bass face à elle et ses yeux qui lui rappellent tout ce qu'il n'est plus, ne peut que céder quelques heures avant de disparaître, alors qu'ils prétendent s'aimer après tout ce temps. ils s'aiment le temps d'une nuit, le temps d'un souffle, juste une nuit, juste assez pour lui faire un enfant. VII. we were exchanging truth, I realised, which is to say, we were cutting one another. bataille de volontés dans un face à face silencieux. regards qui s'éternisent, font écho aux baisers, aux sourires, à ces drôles d'instants où bass ne savait plus très bien où il se terminait et où harlan commençait. l'alter ego s'était effrité, abîmé au contact de ren, laissant apparaître des éclats du fils de nulle part. il a failli se laisser prendre, il s'est laissé être lui-même, un peu, dans les bras d'un autre. jambes croisées, mains sur les genoux, il l'observe, cherche en dedans l'ombre d'un doute ou une once de culpabilité. ren semble courbé, dans cette cage à la largeur de sa nouvelle vie, ren d'ordinaire grandiose, il n'est plus tout à fait lui-même dans son uniforme. une grimace s'étire au bord de ses lèvres. l'arnaque était méticuleuse, le gain constant, ils étaient rois, intouchables, il était à un rien de tout lui dire. le voleur a enfilé une énième vie, le temps d'une visite, la carte sur son veston ment pour lui: visitor, attorney. le coup d'oeil vers le coin de la pièce l'assure que la caméra est éteinte. - I am sorry. il l'est. tapote du bout des doigts sur la table en métal qui les sépare, fait la somme de ses erreurs et de leurs conséquences, du désaccord de lou, des évènements qui ont précipité la chute, sa chute, à ren. - this isn't how it was supposed to end. is it ever ? VIII. because freedom, I am told, is nothing but the distance between the hunter and its prey. le mauvais pigeon. bass a voulu arnaquer trop gros, trop dangereux. coup réussi au coût d'sa propre vie. ils ont descendu lou, l'vieux sacrifié pour permettre sa fuite. bass qui court, disparaît, tronque flamboyance pour discretion, grince des dents dans les motels minables, une cible dans l'dos, la peur au ventre. regards jetés sans arrêt par dessus son épaule, l'coeur battant, c'courage qui n'a toujours été que faux-semblant mis à mal. one for all and all for show. la tête mise à prix, ses planques dévoilées, toutes ses identités grillées. sauf une. seule promesse qu'il n'avait jusqu'alors pas brisée, celle faite à lui-même, de n'plus jamais être le plus jeune frère crowder, de n'plus remettre les pieds à nowhere.