Don't break the heart - Brecht

Il aurait pu se mettre dans un coin de la pièce et juste les observer. Noter les différents acteurs de cette pièce qui ressemble plus à un piège ; ça hurle, ça se bat, ça veut tirer tout à soi. Lui ne dit rien, est au milieu de tout ça ; de ce cirque qui n'amuse personne, pas même le notaire. Brecht se perd dans ses pensées, se demande comment vivait cet oncle éloigné dont ils héritent tout, parce que pas d'autre famille qu'elleux ; des rapaces à allure humaine, qui veulent la part du gâteau la plus grosse, parce qu'il est non seulement nimbé de crème, mais il est aussi terriblement chargé en cerise.

Vivait-il dans l'opulence ? Ou était-il riche parce qu'il ne dépensait plus la moindre centime depuis longtemps ?

Brecht s'imagine différents tableaux ; et parfois, un éclat le sort de ses rêveries. Il n'est pourtant pas au restaurant, pas dans sa cuisine, pas avec son équipe. Des années qu'il a pris à monter tout ça, seul et sans vouloir particulièrement d'aide de ses adelphes ; il ne voulait pas être redevable. Des années, oui ; et cet oncle, alors, de quoi rêvait-il ? S'était-il imaginé un jour si riche que sa "famille" allait étirer au mieux les modalités d'héritage pour écarteler de toute part son héritage ? Brecht soupire ; personne ne veut venir vivre dans ce trou paumé qu'est Nowhere ; pourtant, ça simplifierait bien des choses que le notaire dit. Sa parole est d'or, ici ; littéralement ; les bijoux de famille irait bien à sa soeur ; mais un frère pense que ça vaut mieux d'en revendre l'or plutôt que de vouloir les porter.

Et Brecht, lui, ne pense qu'à son restaurant, son équipe. Peut-être que son oncle les auraient adoré, parce qu'il a mis des années aussi à leur apprendre à cuisiner sans crier ; juste de quoi signaler quand ils ont quelque chose en main ; une équipe qui s'essaye à l'harmonie plutôt que le chaos ; ok, parfois, y'a des ratés ! Mais pour Brecht, c'est ça qui vaut tout l'or du monde. Mais il prend finalement la parole ; se redresse à peine, cesse de croiser les bras contre sa poitrine. "Je vais venir vivre ici un temps et je trierais tout." Il y a un silence qui suit ; enfin ; sa famille le regarde, suspicieusement ; et là aussi, il a envie d'y mettre des guillemets dans sa tête ; "sa famille" ; drôle de concept. "Mais je ne souhaite pas de part sur l'héritage." Le silence dure encore ; il s'attendait à encore des cris ; mais le notaire le remercie d'un coup d'oeil et les autres se mordent les lèvres. Finalement Brecht se redresse, s'excuse d'un filet de voix et sort de là, parce qu'il n'a plus rien à faire ; s'il reste au milieu des rapaces, c'est de lui qu'ils vont se repaître un jour.

Il ne veut rien leur devoir.
Juste apprendre à connaître cet oncle à présent disparu.