five o'clock in the morning (caleb)

five o'clock in the morning
ft. @Sheridan Baird

À quel moment une habitude devenait une sorte de tradition? Était-ce un certain nombre de répétitions? Était-ce le plaisir de renouveler l’expérience à la moindre occasion? Le bonheur commun que pouvait prodiguer cette habitude en particulier? C’est la question qu’il se posait, tandis que ses pieds encore froid prenaient place dans ses vieilles pantoufles. Un son particulier l’avait tiré de son sommeil. Un son qu’il pouvait entendre et ce même au deuxième étage. Il pouvait dire qu’il était habitué, déjà. Tellement qu’il avait presque eu l’impression de rêver cette fois. De rêver qu’une énorme bête baveuse et rugissante le pourchassait en aboyant de joie.

La maison était encore plongée dans la pénombre mais à l’horizon, il voyait la fine ligne orange du soleil commencer à poindre. C’est les yeux plissés qu’il ouvrit la porte à la bête rugissante qu’il s’empressa de caresser afin qu’il ne réveille pas le reste de la maison. Les pattes de l’animal s’animèrent tandis qu’il sautilla en silence, du moins, autour d’un Caleb mal réveillé mais amusé. Comment pouvait-il lui en vouloir après tout? N’avait-il pas nourri lui-même cette habitude en récompensant le canidé à chacune de ses visites? Quelques bouts de bacon lorsqu’il en avait entre les mains, un bout de toast (même brûlé apparemment il en raffolait) et même son propre petit bol d’eau fraîche au cas où la randonné entre la maison de Sheridan et la sienne l’avait assoiffé. C’est d’ailleurs vers l’arrière de la maison que le duo se dirige. Le blond avait regardé l’heure, et même si son réveil abrupte était aussi un peu de sa faute, il se voyait mal toquer à la porte de Sheri de si bonne heure.

Il prit le temps de savourer l’air encore frais du matin, dû à l’heure. Lança quelques fois la balle à Linus pour que sa visite impromptue ne soit pas sans jeux, puis lorsqu’il se sentit un peu plus réveillé, il échangea ses pantoufles contre une paire de bottes de cowboy qui jurait énormément avec son pyjama et son peignoir. Heureusement, à cette heure personne ne pourrait être témoin de cette faute vestimentaire, et le toutou, tout aussi heureux de la balade pour retourner chez lui que de sa fugue, le suivait sans même qu’il ait besoin de le traîner en laisse.

Un grincement féroce le fit sursauter lorsqu’il poussa le portail de la maison, puis une lumière aveuglante vint chasser le peu de sommeil qui restait encore au fond de ses yeux. Le cabot couru vers la porte, la culpabilité de la fuite ne l’ayant visiblement pas atteint, puis Caleb le rejoint pour cogner, l’intimant au moins de ne pas se remettre à aboyer.

Pour une raison qu’il ignorait, il sentait quand même une certaine once de culpabilité de devoir ramener le chien avant même que le cadran n'atteigne les 6 heures du matin. Une franche expression mixée entre la culpabilité et la bonne humeur masquait le visage du plus jeune Rhodes lorsqu’il vit encore la tête ébouriffée de la jeune femme. Si les matins étaient faciles pour lui, ce n’était peut-être pas le cas de tout le monde. ‘’Je pense qu’il s’est trouvé comme mission de trouver toutes les failles possibles de cette maison…’’ Qu’il articula, sans grande conviction qu’elle l’invite à l’aider à faire ses réparations, malgré ses nombreuses suggestions faites par le passé. Si la situation l’amusait, il fit quand même un léger pas de recul lorsqu’elle passa la tête à l’extérieur pour vérifier l’état de la clôture. Avec cette pénombre, ils n’y verraient pas grand-chose. ‘’Pas que tu ai à te faire pardonner, mais un café serait le bienvenue en effet.’’ Lorsqu’elle s’écarte pour le laisser entrer, il ne se le fait pas dire deux fois. En mouvement, il n’avait pas remarqué la fraîcheur matinale, mais en cessant de marcher, la brise lui avait manifesté sa présence désagréablement.

Le chemin vers la cuisine, il le connaissait (parce que les fugues de Linus étaient fréquentes), mais pas au point d’ouvrir la marche vers celle-ci. Il attendit patiemment que son hôte s’y dirige avant de lui emboîter le pas. ‘’Tu sais…Mon offre de..D’au moins fermer les trous avec de nouvelles planches…Elle tient toujours.’’ Encore une offre vaine? Il n’en savait rien. En fait, il ne savait absolument pas pourquoi elle résistait à ce qu’il fasse la moindre réparation dans cette baraque en morceaux. Avait-elle peur qu’il bousille quelque chose? Doutait-elle de son talent à redonner un peu de splendeur aux vieilleries? Il haussa une épaule, ne sachant pas répondre à son questionnement interne, puis l’odeur du café fumant chassa toutes questions désagréables qui embrumaient son esprit. ‘’C’est surtout pour…éviter qu’il se perde définitivement. Ses visites ne me dérangent pas du tout, sauf qu’il pourrait rencontrer quelques animaux…Ou gens entre nos maisons et…’’ Ses inquiétudes semblaient puériles. Il se reprit. ‘’Au moins pour ton sommeil?’’

five o'clock in the morning
ft. @Sheridan Baird

Les explications sont logiques, enfin pour les fugues de Linus. Le cabot semblait avoir pris goût aux escapades matinales, voire nocturnes, et il semblait que sa propriétaire ne pouvait plus y faire grand chose sauf si elle sacrifiait elle-même son sommeil pour le surveiller. «Mon sommeil va bien, je t’assure. C’est la routine maintenant.» Il réfléchit un peu tandis que l’odeur du café chaud embaume la pièce. Puisqu’il se levait déjà si tôt, pourquoi ne pas prendre quelques minutes pour venir chercher Linus directement et le promener pour laisser Sheri profiter d’un réveil matinal plus doux? Il n’osa pas encore lui suggérer, après tout, outre ces rencontres organisées par le toutou, ils ne se connaissaient pas tant que ça, malgré les années. Il était du genre réservé, et certainement pas le genre de personne qui imposerait sa présence, ou ses services…Qu’elle refusait de toute façon.

La taquinerie ne passe pas inaperçue. Le faux cowboy regarde sa paire de bottes devant la porte, puis son accoutrement, puis se passe une main dans les cheveux pour cacher son embarrassment. «J’aimerais bien pouvoir répliquer et trouver une excuse, mais même s' il était venu plus tard, je doute que mon accoutrement aurait été mieux.» À défaut d’avoir un groupe d’amis qui s'intéressent à la haute couture, le Caleb ne s’était jamais vraiment intéressé au monde du textile.

Le café est le bienvenue entre ses mains, il en profite pour cacher un sourire derrière sa première gorgée qui éveille immédiatement ses sens. «Je t’assure. Rien à te faire pardonner. Cependant, et comme il semble hors de question que j’enfonce le moindre clou dans cette clôture, je te suggère de…Simplement venir le récupérer avant son escapade.» Il baisse les yeux sur le chien qui semblait chercher la dernière croquette au fond du bol et réalise à quel point cette suggestion était intrusive. «Pardon, c’est une mauvaise idée. Entrer chez toi, pour prendre ton chien, pendant que tu dors. À quoi je pense…» Petit rire de malaise, il fixe son café, à la recherche d’une idée un peu moins bizarre. «Et je ne veux pas dire par là que tu ne t’en occupe pas comme il faut…Je veux juste. Éviter d'atterrir dans ta cuisine tous les matins et te déranger de si bonne heure.» Il dit ça, mais c’est Linus qui vient le chercher au final. Ce chien avait peut-être un plan…Ou il appréciait Caleb un peu trop.

Les yeux du blond finissent par cesser de fixer son café et se baladent sur la décoration ambiante. Il avait l’impression que rien ne bougeait autour, malgré le nombre de visites qu’il faisait récemment. Il se gardait bien de toucher quoique ce soit ou de déplacer des objets autre que la chaise sur laquelle il posait son séant. Ça le rendait légèrement mal à l’aise (en plus d’être là dans son plus beau pyjama). Quoique l’expression était peut-être un peu forte. Il ne voulait surtout pas avoir l’impression de porter outrage à l’endroit tel qu’il était. Et ce sentiment était peut-être dû au fait qu’elle refusait la moindre intervention de sa part. Il aurait pu insister, mais de par sa nature, il préféra taire le sujet jusqu’à ce qu’elle l’évoque elle-même. Cependant, juste en regardant autour de lui, il voyait ce qu’il y avait à faire, au moins pour rendre la maison un minimum plus sécuritaire pour elle…Avant que quelque chose de fâcheux ne lui arrive.

Il se leva cependant pour aller mettre sa tasse déjà vide au lave-vaisselle, qu’il chercha des yeux quelques secondes. «Merci pour le café. Je ne voudrais pas m’éterniser et t’empêcher de commencer ta journée…» Il ne souhaitait pas partir dans l’immédiat mais ses irruptions matinales devaient finir par être inconvenantes pour elle.