mr forgettable -- ruslan lysenko

Le plafond semblait se mouvoir, les ténèbres l'engloutir, alors que les larmes de rage coulaient le long de ses tempes, laissant un goût amer dans sa bouche. Sa lèvre égratignée, le sang pulsant au fur et à mesure de ses respirations, Ruslan en était presque un habitué. Ce n'était pas la dernière fois, ni la première fois qu'il (re)vivait la scène précédente: son père élevant la voix sur sa mère, celle-ci criant encore plus fort - Ruslan les suppliant d'arrêter d'hurler si fort, car les voisins allaient se plaindre (encore). Puis le premier coup au visage pour le faire taire, lui, l'enfant, l'adolescent, qui ne méritait pas de s'exprimer, ni de donner son avis. It's the Ukrainian way, lui avait répondu un jour son paternel, lorsqu'il pleurait à chaudes larmes après un énième passage à tabac. You'll never grow up to be a man, you're just going to be a fucking pussy ... Ce qu'il détestait le plus dans tout cela, c'était bien le regard haineux de ses parents. Le venin de sa mère, les coups de son père ... C'en était devenu un rituel insupportable, infiltré dans ses muscles.

Why would you make me if it were to hate me? Why would you raise me if you thought I'm a fucking idiot?

To make your skull hard and your skin thick.

I hear your voice in my head, every day. I feel it in my bones, every day. I can see you in my reflection. I can't do nothing right, can I? I'm a piece of shit. You'll never be proud of who I am.

Il ravala ses larmes, le hoquet le prenant et l'empêchant de respirer correctement. Sa manche l'aida à éponger une tristesse et rancœur qui le possédaient, de jour en jour, un peu plus. Son regard parcourut sa petite chambre désuète pour se poser sur la guitare qui traînait contre la commode. Russ renifla bruyamment et essuya son visage dans son t-shirt trop large, grimaçant en sentant la douleur labiale qui risquait de le suivre pour quelques jours.

Trois jours plus tard, il fuguait du domicile familial, laissant ses bourreaux derrière lui.