a long night walk (noram)

a long night walk
ft. @Cameron Lanzo

La transition entre la maison de Caleb et la rue était si marquée qu’elle avait l’impression d’avoir perdu son souffle entre les deux. L’endroit, habituellement si chaleureux était devenu froid d’incompréhension, de non-dits, de questionnements qui semblaient être coincés dans leur gorge à défaut de pouvoir sortir. Trop d’informations. Trop de situation, trop de réactions tandis qu’elle s’était tue, dans un coin, sans réellement participer à la discussion. Les révélations à mi-mots avaient été marmonnées d’un côté, tandis que l’enthousiasme d’une nouvelle presque aussi semblable avait franchi les lèvres de son…de son quoi exactement?

C’est d’une voix mutée, bien loin de son ton habituel qu’elle avait signifié vouloir quitter le domicile du cowboy. Pas qu’elle souhaitait couper…Peu importe ce que c’était, mais elle avait besoin d’un moment de silence pour digérer l’une de ces nouvelles. Encore enivrée par l’alcool qu’elle avait elle-même pris soin d’apporter à cette fête improvisée, elle regretta de ne pas avoir mis la main sur la bouteille de scotch déjà bien entamée, avant de se dissiper dans la nuit. Il était l’heure où les étoiles perçaient le ciel annonçant l'une de ces longues nuits chaudes typiques de Nowhere. Des pas derrière elle lui confirmèrent qu’elle n’avait pas quitté la maison seule, et qu’elle ne ferait pas la route à pied dans le silence. L’avantage de ce quartier c’est que les maisons de Caleb et Cameron étaient si rapprochées qu’on pouvait presque observer ce qui se déroulait dans l’une depuis l’autre. «Is she pretty?»

Probablement la première question qu’elle pose, futile, immature probablement, mais qui annonce une insécurité profonde, en à peine trois mots. La brune s’arrête dans la nuit pour se retourner, lever les yeux sur son ami, son amant, son Cam. Bien que la propriété n’ait jamais été sienne, encore moins en ce moment. «You…Married. I didn’t know you wanted it that hard.»

La verve aura facilement pris la place de la vulnérabilité qui l’avait saisie dès qu’il avait annoncé  au groupe qu’il était désormais le mari de quelqu’un. Elle n’avait pas compris immédiatement, comme si ses oreilles s’étaient bouchées volontairement, mais dès que les voix et les exclamations reprirent un volume normal, elle avait compris ; elle avait trop attendu.

Attendu pour quoi exactement? Ne serait-ce qu’elle fut en état d’aimer qui que ce soit, avait-elle besoin d’un ultimatum à ce point violent pour lui faire réaliser que ses sentiments envers lui n'avaient rien d’une simple amitié? Avait-elle besoin de le voir annoncer cette nouvelle avec autant de joie, de naïveté alors qu’elle sentait ses acquis partir en fumée? Et un autre problème s’affichait devant elle…L’avait-elle à ce point maltraité au point de le prendre pour acquis? De le laisser mariner dans ce qu’elle savait existant, sans même oser y mettre le pied? Un retour mérité pour une telle négligence. As usual…Elle l’avait cherché.

Un froid dont la faute ne pouvait être accusée à la température ambiante, l'envahit. Sa propre froideur semblait lui glacer le bout des doigts, la nuque coincé dans un bloc glacial qui l’empêchait même de relever la tête pour le regarder. Elle ne savait plus ce qu’elle pouvait accueillir, et elle avait peur des mots qu’elle pourrait lui renvoyer, des blessures qu’elle pourrait causer alors même qu’elle voulait se les infliger à elle-même ; la fautive. «I’m sorry. I should be happy for you…»

a long night walk
ft. @Cameron Lanzo

Elle était bloquée, coincée dans le bloc de glace qu’elle se construisait dès que quelque chose la contrariait un peu. Elle n’était pas si facile à contrarier, mais dès que le sujet approchait un peu trop de Cam, elle se fermait à double tour, s’isolait, disparaissait. Elle préférait fuir que d’affronter ce qu’on pouvait lui révéler. Mais ce soir, elle n’avait pas eu le temps. Elle avait fui après que la nouvelle de son mariage lui ait craqué le cœur. Elle n’avait pas cherché à en savoir plus, bloquant le moindre son, la moindre voix qui pouvait s’exclamer près d’elle. Elle n’avait pas entendu les questions, l’hésitation du groupe, les félicitations. Tout ce dont elle se souvenait, avant d’avoir pris la fuite, c’était d’avoir pris un cachet dans sa poche et d’avoir vidé la bouteille qu’elle avait pris soin d’apporter.

Si la nuit avait pu être fraîche, ça lui aurait fait du bien. Mais le temps était lourd, vu que le désert les entourait. Elle ne fut pas surprise d’entendre des pas derrière elle. Évidemment, il avait remarqué son absence. C’était toujours le premier à voir qu’elle n’était plus là, toujours le premier à voir dès qu’elle n’allait pas bien, dès qu’elle était mal. Elle n’osa pas se retourner en posant sa question qui, malgré ses efforts, sonnait comme un reproche. Mais il avait fît de son attitude, de ses mots prononcés plus sèchement que d’habitude. Toute la rancœur qu’elle portait lui glissait dessus, il n’avait qu’à sourire pour balayer le moindre nuage qui pouvait potentiellement rester au-dessus d’eux.

Et ça elle le constata en se retournant, lorsqu’il comprit qu’elle parlait de sa femme. Ce mot lui semblait acide et ce même si elle ne le prononçait pas. Elle avait donc un nom cette…Cette quoi exactement? Elle releva la tête et prit sa lumière de plein fouet. Aveuglant, chaleureux, il était aussi dangereux à regarder qu’une forêt enflammée, et elle se brûlait trop souvent pour ne plus se croire invincible à son charme. « I don’t get how I could not be happy. It’s a huge step…You have a ring and…She’ll live with us, right?» Elle ignora volontairement la partie où il affirme que ce n’est pas un mariage conventionnel. Qu’elle n’est là que pour rejoindre quelqu’un, que pour une question de papier. Pourquoi ne se sentait-elle pas plus soulagée? Pourquoi avait-elle l’impression qu’on lui avait dérobé quelque chose d’important? Elle se tourmentait elle-même alors qu’il ne faisait qu’essayer de la rassurer. Après quelques longues minutes à tenter d’éviter son regard, elle finit par le regarder, fut immédiatement prise de ce même vertige dès qu’elle posait le regard sur son visage, chercha encore une petite miette, un mot, une phrase qui pourrait la rassurer un peu plus. «Her lover…Right.» N’aurait-il pas pu les laisser avec leur histoire? Fallait-il vraiment qu’il soit à chaque fois aussi altruiste à vouloir aider quiconque? «Why are you so kind?’’ Ce n’était pas une vraie question, évidemment. Et s’il n’était pas aussi gentil, il ne serait sans doute pas l’homme qu’il est maintenant, le seul pouvant faire fondre la glace dans laquelle elle se confortait.«I missed you too.»

Un peu rassurée, elle ne peut s’empêcher de sourire, contaminée par son rire, par sa lumière qu’elle semblait toujours étouffer un peu. «I don’t want to go home. What about taking a walk?» Elle n’attendit pas de réponse avant de se séparer prématurément de lui. Elle ne voulait pas prolonger les contacts, ne voulait pas se plonger dans ses bras trop longtemps au risque de perdre le peu de contrôle qu’elle avait encore. La marche serait une excuse pour dégriser avant d’être agressée par les lumières de leur demeure, avant d’être découverte au grand jour, qu’on ne remarque ses pupilles dilatées, qu’on ne sente son haleine ou les effluves d’alcool étaient encore trop présentes. «I want you to tell me everything. Beside de marriage i mean…» Une distraction éphémère certes, mais lui donnant le temps de se recomposer, de ne pas flancher, de ne pas mourir d’envie d’être contre lui. Une lutte interne qu’il était plus difficile de mener lorsqu’il se trouvait trop près, lorsqu’il la regardait trop longtemps, lorsqu’il était lui-même, irradiant. Elle voulait profiter un peu de sa nuit, avant de retourner en plein jour ou ce qu’elle ressentait ne pouvait plus se cacher dans les coins d’ombres. «I’m sorry about my reaction…I was not prepared to…That.»